ECONOMIE REELLE DU CINEMA EN REGIONS

Lors de la Semaine Asymétrique, nous envisageons une rencontre "états des lieux" comme à Ganges où les itinéraires réels des cinéastes et techniciens sera mis en exergue pour faire publication. Une interrogation technique sera faite aux institutions (CG puisqu'en charge de l'action sociale) à cette occasion sur leur marge de
manoeuvre réglementaire vers un statut particulier des cinéastes en région. Dans un deuxième temps (non précisé encore, mais on commencera sans doute à Lyon) on interpellera les politiques sur leurs engagements à cet égard.

L'AARSE a déjà réalisé un premier recensement dans ce sens auprès des cinéastes en PACA (même si la forme est un peu différente) qui sera un premier acquis.



Voici le compte rendu réalisé par Julien Gourbeix (Dodes kaden-"Gang des lyonnais") de la rencontre que nous avions organisée à St Etienne lors de la présentation de Kinetica (publication qui recense les 25 principaux lieux alternatifs du cinéma en Europe)... Voir : http://www.polygone-etoile.com/__sacre/indexjournal.htm#bref




SAINT ETIENNE OCTOBRE 2011
lors de la Rencontre Kinetica organisé par Gran Lux à l'occasion de la sortie du livre Kinetica, lieux d'expérimentations cinématographiques en Europe

merci à toute l'équipe du Gran Lux d'avoir aménager les choses pour que cela puisse avoir lieu en plus de leur programmation


participants :
Filmflamme (Marseille) : Caroline Delaporte et Jean-François Neplaz
L'Abominable (la Courneuve bientôt ?): Nathalie Nambot, Nicolas Rey, Baptiste Bessette
DodesKaden (Lyon): Julien Gourbeix et Benjamin Pierrat
Inattendus (Lyon): Maura Mc Guinness
Labor Berlin : Leïla Saadna et Michel Balagué
Cercles des cinés (Liège) : Sébastien Demette


« Le cinéma a une tradition de squatteur (…) »
Frédéric Mitterand, Ministre de la culture et de la Communication
Cela n'aura échappé à personne, certains se proposent déjà d'en envoyer des extraits au service culturel de leur ville ou arrondissement.
A défaut de nous donner des ailes, que le politique ouvre des portes !
Vers une reconnaissance politique et économique de nos pratiques

l'année asymétrique à Marseille
Jean-François
Présentation du projet de Film flamme à l'occasion de l'échéance Marseille Provence Capitale Européenne 2013 : puisque les projecteurs seront tournés vers Marseille, il faut en profiter pour faire quelque chose sur le cinéma indépendant.
A l'instar de la semaine asymétrique, initiative habituelle et annuelle (novembre) de programmation qu'organise Filmflamme dans sa salle le Polygone Etoilé,
volonté de faire une année asymétrique en diffusant 100 films du cinéma indépendant et en invitant 100 cinéastes.
Nous ne souhaitons pas être les seuls porteurs de cette action, nous ne voulons définir le cinéma indépendant ni être propriétaires de l'initiative. C'est une proposition ouverte, une large invitation, qui doit être nourrie assez rapidement si l'on veut que cela soit vraiment repéré.

mobilisation des politiques
Jean-François
Nous pensons qu'il y a une pertinence à faire reconnaître politiquement nos pratiques en dehors de toutes définitions.
Il ne s'agit pas de s'imposer par rapport au CNC mais de dire ce qu'est l'économie réelle du cinéma.
Lorsqu'on pose la question : est-ce normal que les aides au cinéma aillent exclusivement à l'industrie lourde alors que la réalité des cinéastes et du cinéma indépendant est financée par les aides sociales que paient les départements?» Vous imaginez que l'on trouve un certain écho du côté du conseil général et on commence à avoir des politiques qui nous rejoignent sur ce terrain.
Par ailleurs du côté des festivals il s'agit de mettre en en valeur le fait qu'ils vivent avec nos films sans que l'on ne reçoive aucune rémunération.
C'est une position qui nous amène à interroger les partenaires habituels : médiathèques, festivals et un certain nombre de réseaux de diffusion.
Cette question là peut être posée et entendue.
Il y a une économie réelle puisque des gens en vivent. Pour autant ceux qui sont à la source de cette économie, eux, n'en vivent pas.

C'est une hypothèse de départ qui sera discutée pendant quelques temps profitant d'un certain nombre de rendez-vous dans les mois qui viennent :
à Ganges dans les Cévennes ( rencontre avec les cinéastes de Midi Pyrénées organisée par Film flamme en partenariat avec Bruno Canard directeur de la médiathèque de Ganges)
pendant la semaine asymétrique, au Polygone Etoilé, du 18 au 26 novembre à Marseille,
et durant le festival des Inattendus à Lyon du 20 au 29 janvier 2012.
Julien
Oui, profiter du cadre du festival pour reconduire cette discussion.
Sur la base d'une interrogation structurelle au sein de l'asso, et de la pertinence de la forme festival, est venue l'idée d'inviter des politiques engagés sur ces questions et qui prennent position sur la défense du cinéma indépendant.
Manière de répondre au désintérêt affiché par l'adjoint de la culture à Lyon qui a bon ton de minimiser l'importance des enjeux qui nous animent.
S/ la notion de réseau et de résistance, des doutes pour le moment sur la réalité des choses. On doit pouvoir mettre en marche un certain nombre de projets pour que cela ne soit pas que de la réaction : idée de marché noir des copies (évoquée lors d'un débat pendant les rencontre Kinetica ), déplacer des politiques ou institutionnels qui nous aident, publier des textes sur les différentes expériences…
Leïla
Retour sur la dernière réunion des labos à Zagreb : pas eu de temps pour aborder ces questions plus politiques et économiques, à savoir comment faire pour exister en dehors de nos petites cotisations et petits revenus.
Des idées furent avancées pour que le site des labos (filmlabs.org) accueille une page dédiée à des textes qui engagent une réflexion plus théorique sur les expériences de chacun.
Pour le moment le réseau des labos fonctionne surtout sur l'échange d'informations techniques (où récupérer des machines, comprendre tels procédés chimiques, où acheter des composants…)
Baptiste
Aussi en discussion à Zagreb, la question de la circulation des oeuvres. S'y dégage une tendance (dans laquelle ne se retrouve pas L'Abominable), qui est assez identitaire, un réflexe de défense des choses, non plus au nom du cinéma, mais de cette minorité dans la minorité du cinéma indépendant que constituent les films faits dans les labos.
Du côté de L'abominable, participation à un dispositif qui s'élabore en région Ile de France, qui s'appelle Fabriques de Culture. C'est quelque chose qui rejoint l'Agenda 21, mis en place par la présidente de la mission culture d'Europe Écologie (qui vient du milieu squat) et se présente comme une politique culturelle contre les politiques socialistes parisiennes par excellence (à Lyon c'est exactement la même chose) : les institutions, le 104, des vitrines événementielles qui ne fabriquent strictement rien.
Ici il s'agit de porter une attention à des lieux qui viennent de la société civile (c'est leur jargon). En principe il y aura des financement en région Ile de France, à la fois des aides à l'investissement et des aides au fonctionnement.
Chose à faire circuler.
Jean-François
Dans cet esprit là : la rencontre avec des élus verts lors d'un colloque organisé à Loudéac, de la mission Agenda 21 qui institue un processus pour une politique de la culture, qui considère la culture comme un pilier du développement durable et qui pose la question des territoires via l'association Territoires et cinéma.
C'est un cadre politique qui n'est pas hiérarchisé par le haut donc qui peut nous intéresser.
Par ailleurs à Marseille alors que les soutiens politiques s'amenuisaient concernant les ateliers en 16mm que Filmflamme organise avec les habitants du quartier, une commission patrimoine culturel a été mise en place avec les mairies de secteur sur la base de leur ratification de la convention de Faro, une convention européenne pour le patrimoine immatériel (dont le cinéma fait partie) qui donne une place centrale aux habitants dans la politique culturelle. Les ateliers sont inscrits dans cette convention. Du coup Filmflamme se trouve soutenu par des collectivités territoriales parce qu'il participe d'une convention que ces collectivités ont ratifié auprès de l'Europe et qui les engage.
On pense qu'il est très important d'arriver à trouver des espaces politiques pour dialoguer avec les élus dans cette période actuelle et d'arriver à faire reconnaître notre place.
Ce sont des expériences comme celle-là, et celle de la réinstallation de L'abominable, que nous voudrions partager.
Il y en a probablement beaucoup d'autres qu'on voudrait entendre jusque dans leur difficultés, leurs point d'appui ou d'échec.
Julien
Il faut reconnaître un certain contexte politique propice. En dix minutes apparaît un positionnement fort d'Europe Écologie sur ces questions. On doit nourrir cela. La question de la réinstallation de L'abominable à la Courneuve pourrait très bien profiter à d'autre initiative. Tout comme Kino-climates devrait trouver un écho auprès de ces politiques.
 la réinstallation de L'Abominable
Baptiste
Oui, intérêt à faire circuler les initiatives politiques qui peuvent avoir un poids au final
Après il faut voir comment en utilisant ces marges on participe aussi à ces processus de gentrification. Même si à la Courneuve on est un peu protégé de cela…
Pas innocent que ce soit cette ville qui nous accueille.
Nicolas
c'est la seule ville rencontrée où il n'était pas question d'abord d'argent mais de mise à disposition de locaux, Seule mairie où c'est le service culturel qui nous a reçu et pas le service économique.
Nathalie
Sans que des pressions immédiates soit formulées sur ce que nous allons faire. Pas de demande d'inscription dans le territoire.
Nicolas
Les structures ne sont jamais monolithiques. Ici un gars en charge du patrimoine qui secoue tout le monde pour que ça marche (même si avec lui ça rame aussi)
Nathalie
Oui l'institution peuplée de gens et il faut aussi aider ceux qui, de l'intérieur, forcent les choses. Alors qu'habituellement les politiques sont complètement décollés du réel sur ces questions, ici ce garçon du patrimoine nous a fait visiter la ville en disant : là c'est vide, là c'est vide, là c'est vide, je ne vois pas pourquoi on ne parviendrait pas à faire quelque chose.

Julien
On aurait tout intérêt à déplacer ces gens avec nous lors de ces rencontres pour mettre en lien toutes ces poches d'air. Si par ailleurs on trouve des figures « tutellaires » et que l'on fait venir d'autres personnes impliquées comme dans cette situation là, cela doit pouvoir porter ses fruits.
Jean-François
Oui, ce qui est important ici c'est que cette initiative même personnelle puisse faire écho et être valorisée. Il faut prendre la mesure du désarroi des personnes qui sont dans les appareils à qui on peut apporter un sacré soulagement.
Il y a d'autres interlocuteurs auxquelx il faut penser comme le réseau ACOR , un grand réseau de salles à billet CNC qui regroupe des salles art et essai, des salles municipales des associations mais aussi des multisalles, qui veulent trouver des issues au fait de ne pas pouvoir diffuser un grand nombre de films. Pour eux un réel souci d'ouverture cinématographique au sujet de films qu'ils ne peuvent pas diffuser et sur lesquels ils se sentent un peu démunis par ignorance et qui leurs sont proposées par des nombreuses associations externes. Quand ils louent la salle, ces films sont montrés alors qu'avec les contraintes du CNC ne peuvent pas les montrer.
Autre exemple d'un exploitant, Sylvain Clochard (du cinéma le Concordeà Nantes)qui s'est affranchi du système de subvention délivrées par les distributeurs pour amortir l'achat de l'équipement numérique, en achetant lui même sa machine pour rester libre de sa programmation. C'est quelqu'un qui se bat dans le réseau ACOR pour que les autres refusent aussi ce système.

Le chantier de la distribution
Sébastien
Surement des choses plus pragmatiques à échanger aussi au niveau européen. Partir de ce qui est là en terme de réseaux, les labos, Kino-Climates. Comment ça s'articule, comment alimenter ça ?
Concernant la circulation des films il faudrait se caler sur ce qui se fait dans le réseau de la musique qui a connu dix ans avant le contexte de surproduction et de panne de financement dans lequel est est le cinéma et qui est beaucoup plus inventif et plus souple ( les salles qui invitent et/ou les musiciens contactent naturellement d'autres lieux pour organiser des tournées)
L'outil qui existe aujourd'hui et qui reste à activer estle réseau Kino climates ( qui référence un certain nombre de lieux partenaires)
Suite à la proposition concrète d'une tournée d'un film d'Arthur Aristakisyan, en sa présence, par DodesKaden – qui n' a pas/plus de lieu— :
La question du lieu n'est pas un dénominateur commun dans ce réseau, c'est plutôt la dynamique collective et la défense d'un cinéma vivant (dans le sens de programmation en lien avec une vie collective bar, espace d'accueil, voire d'autres disciplines musique/performance )
Pour crédibiliser un réseau, le site peut suffire. Expériences qui montrent qu'au nom de Kino-Climates des tarifs de projections peuvent être négociés auprès de distributeurs.

Maura
Intérêt pour la circulation de films étrangers ce qui implique de se donner les moyens du sous titrage : cf logiciel libre mis à dis potion par le cinéma Nova (Bruxelles)
Jean-François
Ça c'est un domaine où il doit être possible avec un minimum d'organisation de trouver des financements européens.
Leïla
En Allemagne où très peu de films nous parviennent : sans parler du cinéma plus alternatif, ¼ des films « art et essai » passent avec un ou deux ans de retard et ne restent en salle qu'une semaine ou quinze jours.
Nicolas
Modèle de la musique et des tournées appliquées dans le milieu de la performance et un peu dans les coopératives même si c'est souvent pour des films plus patrimoniaux.
Y a t-il un outil à Kino climates pour que les salles puissent recevoir des propositions de cinéastes?
Sébastien
Pas de portes cinéastes sur le site par peur de créer un trop grand appel d'air. On s'est reposé sur le fait qu'on connait tous des structures de productions assez variées qui donnent accès à une très grande quantifié de films en marge.
Un engrenage qui est là mais pas encore activé.
Système qui fonctionne aussi en fonction de la connaissance des personnes dans les structures, d'où l'importance de ces rencontres, à l'image du fonctionnement dans lequel on est : pas très institutionnalisé, pas très clair…on sait se débrouiller et on avance.
Tant qu'on est dans les outils il y a deux possibilités : l'envoi de mail et une vidéo au réseau Kino climates ou le dépôt sur serveur FTP.
Pour se joindre au réseau web on peut adresser une demande et remplir les fiches de renseignements.
Leïla & Nicolas
Sur le site des labos, filmlabs.org, une page est dédiée aux nouveaux travaux des cinéastes et une inscription possible à l'agenda pour recevoir des mails. L'idée était d'engager les programmateurs à s'inscrire à cette liste. On pourrait connecter le réseau Kino Climates avec cela.
JFN
Ce mouvement qui amène le cinéaste vers les salles est nouveau. Au Polygone Étoilé on ne programme pas en dehors de cette semaine asymétrique, annuelle. Idée était de ne pas, en tant que cinéastes, imposer de politique de programmation mais mettre à disposition la salle pour les nombreuses associations qui font un travail de défrichage important dans des secteurs très différents (Extérieur nuit et le film de patrimoine/ Ciné page et la cinéphilie des 60's / 360° et l'expérimental…) ce qui donne une programmation qui est une quasi expression du public.
Baptiste
Laquestion des festivals est importante. Il faut probablement continuer d'y aller même si ce ne sont pas toujours de bonnes expériences. Sont aussi dans une impasse : mode de sélection discutables vu le nombre de films reçus, mode de hiérarchie par écrémage assez discutable…
Et au lieu de donner des prix ils pourraient redistribuer l'argent pour la location des copies.

Nathalie
Mais c'est parce qu'ils instaurent ce système qu'ils trouvent de l'argent, ça marche comme ça politiquement
Baptiste
Il faut inventer autre chose. Penser comment nouer des liens avec des salles qui veulent s'affranchir du système actuel de billetterie. Si plusieurs salles sont partantes pour montrer plusieurs films ça pourrait déclencher des aides au CNC.
Florent
Beaucoup de salles sont intéressées par d'autres films.
Nous avons le projet de créer une coopérative de distribution pour faire circuler des longs métrages ou des programmations du temps d'un long métrage.
A partir du moment où on distribue un film, on peut prétendre à un financement si l'on est constitué en société de distribution. Ce qui sous entend de créer une entreprise, entrer dans le système « art et essai » avec billetterie dont une partie est reversée à la distribution et aux ayant droits. Le travail à faire reste de contacter les salles.
Dans la mesure où l'on parvient à faire des films à petits budgets, parce qu'on a un labo, parce qu'on a tous des caméras, parce qu'on a des modes de fonctionnement avec très peu d'argent, avec ces aides à la distribution, même si le film sort avec 2 copies ou 2 DSP et que le film est vu dans 4 salles c'est une exploitation qui peut durer dans le temps. Qui rend possible que le film soit chroniqué, bref qu'il existe dans la durée et ça c'est un acte de résistance très important. Rappel du dernier film de Jacques Tourneur qui n'a fait que 4000 entrées.
S'inscrire dans le réseau « art et essai » qui reste nous semble intéressant parce qu'il y a un public et que cela peut nous permettre peut-être, sans rêve de gloire ni d'enrichissement, de vivre un peu de nos films.
On sait faire des films, pour les produire on trouve toujours un peu d'argent mais la distribution c'est le goulot d'étranglement. Il y a 10 ans on pouvait vendre des films à la télévision maintenant c'est terminé.
Fin de la réunion … les prochaines discussions à Ganges du 11 au 13 novembre, à Marseille du 18 au 26 novembre et à Lyon du 20 au 28 novembre feront problablement l'objet d'une synthèse.
Novembre 2011
Julien Gourbeix pour DodesKadenJulien Gourbeix pour DodesKaden